Agrandir la figure 1982
8,8 millions de personnes sous le seuil de pauvreté.
La privation matérielle concerne 11 % des individus en ménage en 2019.
La France n’est pas encore suffisamment avancée en matière de lutte contre la pauvreté avec 8,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire [1] dont 3 millions en précarité grave et 5 millions vivant avec 855 € par mois [2] [3]. Cela représente plus de 9 % de la population active en situation de pauvreté dont un tiers sont des jeunes. Le taux de pauvreté en condition de vie [4] est proche de la moyenne européenne avec 11,1 % en 2019 contre 12 % pour l’UE [5].
L’objectif de la France à horizon 2030 est de réduire de 1,9 million de personnes les chiffres de pauvreté et d’exclusion [6] [7].
L’État a mis en place des mesures pour soutenir les plus vulnérables avec la réforme du marché de travail et une politique de revalorisation du travail et de soutien au pouvoir d’achat, dont une garantie de ressources de 900 € pour les salariés en alternance frappés par la crise [8]. La « stratégie nationale de lutte contre la pauvreté » de septembre 2018 vise à créer une dynamique d’amélioration de l’égalité des chances et mobilise 8 milliards d’euros jusqu’en 2022. Pendant la crise liée à la Covid-19, le nombre de foyers en droit de percevoir le revenu de solidarité active (RSA) a atteint un maximum en septembre 2020 avec 2 millions de personnes (+ 8,6 % par rapport à septembre 2019) - il a diminué depuis [9].
Un autre indicateur d’inégalités sociales est le taux d’emploi, qui a fortement baissé au second trimestre 2020 perdant 1,6 point [10]. En 2019, pour référence, le taux d’emploi était de 65,5 % [11]. Les principales réformes de l’assurance chômage préalablement prévues ont été reportées pour tenir compte de l’impact de la crise. Les « contrats aidés » [12] recentrent l’action sur l’insertion professionnelle. L’impact de la pauvreté sur les conditions de vie rend compte des difficultés concrètes vécues : les 40 % les plus défavorisés peinent à accroitre leur niveau de vie par rapport à la population générale avec un décrochage de la courbe entre 2016 et 2018 [13]. La privation matérielle concerne 11 % des individus en ménage en 2019, ce qui est cependant moins élevé que la moyenne européenne.
Le risque d’une aggravation de la fracture sociale suite à la crise des gilets jaunes en 2019 et à la crise sanitaire et économique de 2020 est attesté par un rapport du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion (CNLE) [14]. Le « plan d’urgence » mis en œuvre par le gouvernement permet de palier temporairement les conséquences, mais le chômage touche aujourd’hui 2,7 millions de personnes [15], soit 9 % de la population active et il faut noter que 12 millions de salariés ont été mis en chômage partiel avec la crise. La crise liée à la Covid-19 a généré une perte d’activité de 36 %. Le chômage partiel a été prolongé pour certains secteurs mais le monde de la culture, des restaurateurs, des petits commerces a souffert de l’arrêt total de l’activité. Le ministère de la Culture a enregistré 25 % de baisse de chiffre d’affaires dans le secteur. Un plan de soutien aux entreprises a été mis en place par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance pour faire face à la pandémie. Le taux de non-recours aux prestations sociales indique cependant qu’un grand nombre de personnes reste sans aide [16] [17].
En matière de logement, plus de 65 % de la population est éligible au logement social en France, soit 18 millions de personnes. Cependant, seuls 4,5 millions de logements sociaux sont disponibles et 2 millions de demandes sont en attente [18]. La demande en logements sociaux reste forte avec 55 000 ménages reconnus prioritaires et en attente de logement depuis 8 ans dont 30 000 en Île-de-France. En 2019, 3,9 millions de personnes sont encore mal logées selon la fondation Abbé Pierre [19]. La situation est particulièrement grave à Mayotte qui compte 50 % de personnes sous le seuil de pauvreté. Il faut noter également que la précarité énergétique [20], en métropole et en outre-mer, dont les besoins portent sur le rafraîchissement, touche 11,9 % de la population française soit 3,7 millions de ménages [21].
Sur le plan économique, la consommation des biens par les ménages chute lourdement de 17,9 % en volume. Seules les dépenses en consommation alimentaire ont augmenté de 7,8 % [22]. Au premier trimestre 2020, la consommation des ménages baisse de 7,3 %. L’étude sur les impacts du confinement sur le budget des familles suivies par l’UNAF [23], montre que 55 % de ces familles en difficultés financières, ont subi une hausse de leurs dépenses de 200 € en moyenne. L’observatoire des crédits des ménages rapporte fin 2020 une part de 46,5 % des ménages qui ont au moins un crédit en cours contre 47,4 % en 2019 [24]. En revanche, le surendettement a connu une baisse de 24 % en 2020, selon la Banque de France, probablement liée aux dispositifs de soutien mis en place par le gouvernement (la baisse avait été déjà engagée précédemment, avec - 38 % entre 2014 et 2019 [25]).
Pour mémoire, le « programme national de réforme » (PNR) établi en 2019 [26] actait une amélioration de la situation macroéconomique liées aux réformes (listées dans le document), avec des créations d’emploi, une bonne compétitivité et une hausse des investissements. Les perspectives de croissance prévues pour 2020 ont toutefois été contrariées par la crise.
Cette situation économique et sociale exacerbe également les tensions intergénérationnelles, comme le relève le Haut-commissariat au plan, avec un virus qui affecte plus durement (au moins dans ses deux premières vagues) les personnes âgées et les contraint d’une part, à un isolement qui pèse psychologiquement, et d’autre part, à repousser des soins considérés comme moins prioritaires. La crise de la Covid-19 a également aggravé les inégalités face à la maladie avec une mortalité plus élevée chez les personnes en situation de précarité [27]. Les chiffres de l’Insee rapportent 668 800 décès en 2020, soit 55 500 de plus qu’en 2019 avec un impact inégal sur les territoires. Sur l’ensemble de l’année 2020, les départements où les décès dépassent d’au moins 10 % ceux de 2019, sont situés dans la moitié Est de la France métropolitaine, en incluant la région Île-de-France. Mayotte, frappé par une épidémie de dengue début 2020, enregistre en fin d’année un quart de décès supplémentaires par rapport à 2019 [28].
La crise a augmenté les tensions familiales [29] dont les violences faites aux femmes, exacerbées par le confinement et les pertes d’activité conjoncturelles. Les violences sexuelles sont en forte hausse de 19 % avec une hausse des déclarations et une augmentation de 12 % de faits enregistrés en 2020 possiblement encouragés par l’émergence du mouvement militants comme par exemple « #metoo » et de la plateforme de signalement de violence sexuelle ou sexiste lancée en 2018 par l’État [30]. L’Insee relève, en référence à l’ODD5, une hausse très importante des violences sexuelles [31] hors contexte familial, de 66 % entre 2010 et 2018. Les violences conjugales ont augmenté de 16 % en 2019, mais ont enregistré une hausse de 30 % entre 2019 et 2020, ce qui est à mettre en relation avec un confinement dans des conditions d’habitation et de vie difficiles. En matière de féminicide conjugal, en 2019, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ; 90 en 2020. Dans les transports, une femme sur deux avoue ne pas se sentir en sécurité [32] : ce chiffre révèle un état général des rapports entre les femmes et les hommes constituant le terreau des violences.