Certaines conséquences ne peuvent pas encore s’interpréter sur le long terme. La crise a fortement freiné les déplacements et le secteur de l’aviation a connu le plus fort déclin de son histoire. En mars 2021, les aéroports français ont accueilli 1,85 million de passagers, soit 86,3 % de chute par rapport à 2019 [1]. À quoi ressemblera la sortie de cette crise, du point de vue des modes de consommation et de production ?
En réponse à la pandémie, plus de 170 pays ont élaboré un plan de relance à hauteur de 9 000 milliards de dollars [2] dont certains visent également à accélérer la transformation des modèles économique, social, sociétal et écologique. Ces plans sont une occasion unique de repenser l’évolution de nos sociétés vers un modèle plus sobre en ressources et plus solidaire.
De fait, l’année 2020 a été la plus chaude enregistrée à ce jour avec une température moyenne de 14°C, soit environ 3° supérieur aux moyennes de référence [3], et l’urgence climatique est donc plus actuelle que jamais. Face à cette menace, la crise de la Covid-19 a certes entraîné une baisse de 6 % des gaz à effet de serre (GES) en 2020, soit une baisse significative mais toujours insuffisante puisqu’une baisse de 7,6 % serait nécessaire pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris [4] (limitation du réchauffement de la planète à 1,5°C en 2050). La France est néanmoins bien placée, en 7e position au niveau européen, avec « seulement » 6,3 tonnes par habitant de GES rejetés en 2019 [5].
Corollaire du dérèglement climatique, la question de l’eau est centrale pour comprendre les évolutions géopolitiques à venir. Ainsi, la pénurie d’eau dans le monde pourrait déplacer jusqu’à 700 millions de personnes d’ici à 2030 et malgré des progrès constants, il reste 2,2 milliards de personnes toujours privées d’eau potable et 4,2 milliards sans assainissement [6]. Les pénuries en eau affectent les populations avec près d’un quart de la population mondiale vivant dans 17 pays en situation de stress hydrique [7], avec une perspective de monter à 40 % en 2030 [8]. L’accès à l’eau courante reste un enjeu important dans le monde, 71 % de la population ont accès aux services de base en 2017 contre 61 % en 2000 [9]. Malgré les progrès accomplis, 2,2 milliards de personnes dans le monde ne disposent toujours pas d’eau potable gérée en toute sécurité, dont 785 millions sans accès à une eau potable « de base » [10]. Dans l’Union européenne en 2019 on recensait 1,6 % de ressortissants n’ayant pas accès à des installations sanitaires à domicile, contre 2,9 % en 2010 [11].
Les océans couvrent 70 % de la planète et 90 % du volume habitable pour le monde vivant [12].
Les océans absorbent une grande partie des gaz à effet de serre et l’acidification se poursuit donc avec un risque d’augmentation de 150 % en 2100 par rapport à 1850 [13]. L’océan représente 90 % de l‘espace physique habitable de la planète [14], mais son état s’est encore détérioré depuis 2016 [15]. Les zones mortes - dites hypoxiques - restent sous-estimées : on en recensait 700 en 2019 et elles ont augmenté depuis, en particulier le long des côtes, en partie à cause des rejets de nitrates et de phosphates de l’agriculture intensive [16]. Le volume global d’oxygène dissous a diminué de 2 % ces cinq dernières décennies. Ceci contribue à la prolifération de microalgues toxiques ou autres algues brunes et au déclin de la faune et de la flore marine [17]. Durant les 200 dernières années, 30 % des émissions de CO2 ont été absorbées par l’océan. L’acidification augmente de 25 % chaque année. L’océan joue un rôle majeur de régulateur du réchauffement, mais cette acidification pourrait avoir des conséquences irréversibles sur la biodiversité marine en affectant les coraux, les coquillages, et le plancton, base essentielle de la chaîne alimentaire.
L’accès à l’énergie reste un enjeu essentiel avec 789 millions de personnes dans le monde toujours non raccordées à l’électricité. La part des énergies renouvelables reste faible avec une part mondiale de 17 % seulement. Une accélération des investissements dans ce secteur serait nécessaire, couplée à un frein significatif des subventions aux combustibles fossiles dont on constate qu’elles continuent à augmenter de 17 % entre 2014 et 2019. Cette tendance est à rebours de la baisse observée dans les pays du G20 [18], ce qui démontre un fort différentiel dans l’atteinte de la transition souhaitée vers une énergie décarbonée. En Europe, en 2019, l’UE a réduit ses émissions de GES de 25 % par rapport à 1990 et la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie était de 19,7 %, soit une trajectoire proche de l’objectif « 20-20-20 » en 2020 [19]. En 2020, l’UE s’est engagée à une réduction supplémentaire des émissions de GES de 30 % à l’horizon 2030 par rapport aux émissions actuelles puis à zéro émission nette en 2050. Si les émissions de CO2 ont connu un répit de courte durée pendant la pandémie, elles ont repris à la hausse fin 2020 en dépassant de 2,1 % le niveau de 2019 [20] et nécessitent une action rapide et coordonnée de la part de tous les pays pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
En outre, notre empreinte-matière [21] mondiale augmente plus rapidement que la croissance démographique et économique [22] [23]. Elle révèle, elle aussi, des inégalités fortes, l’empreinte [24] des pays à revenu élevé étant de 60 % supérieure à celle des pays à revenus intermédiaires [25]. La demande en ressources est en augmentation constante sauf en 2020 où le « jour de dépassement » des ressources annuelles a reculé de juillet au 22 août [26]. Des études soulignent que le rythme de l’urbanisation qui accompagne la démographie, en particulier dans les pays en développement, conduira à doubler la surface construite existante d’ici 2050 (plus 230 milliards de mètres carrés) [27], ce qui correspond à la surface de Paris ajoutée chaque semaine aux surfaces déjà urbanisées.
Le changement de modèle, vers plus de sobriété, doit combiner la réduction des émissions de gaz à effet de serre avec un objectif de résilience face aux chocs climatiques. L’accélération des événements climatiques extrêmes incite en effet à coupler systématiquement les démarches d’adaptation à celles d’atténuation des effets du changement climatique. Les catastrophes naturelles ont touché 108 millions de personnes en 2018. Ce chiffre augmente chaque année et pourrait atteindre 150 millions de personnes par an en 2030 avec un coût de 20 milliards de dollars par an selon un rapport de l’Organisation météorologique mondiale (UN-OMM) [28]. La Commission mondiale pour l’adaptation au changement climatique estime une dépense à 180 milliards de dollars par an pour 2020-2030 afin de répondre aux besoins. En France, le deuxième plan national d’adaptation au changement climatique définit l’ambition pour 2018-2022 [29].
De fait, aucun pays n’a atteint les objectifs de l’ODD13 (« Lutte contre le changement climatique ») selon le suivi de l’approche des ODD par territoires de l’OCDE [30]. Toutefois, la France fait partie des pays ayant le moins de chemin à parcourir pour atteindre les valeurs fixées, puisqu’elle se place en 12e position de ce suivi. Il faut noter que 30 % des fonds de l’UE sont consacrés à la lutte contre le changement climatique, ce qui représente la part du budget européen la plus élevée jamais enregistrée pour l’environnement.