Journal de bord du Forum politique de haut niveau 2022 - Jour 6

Publié le 18 juillet 2022


À l’International

Le Forum politique de haut niveau (FPHN) est un forum intergouvernemental annuel au cours duquel les pays examinent et rendent compte des progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de développement durable. Le FPHN 2022 aura lieu du 5 au 15 juillet, sous le thème : Reconstruire en mieux après la maladie à coronavirus (COVID-19) tout en faisant progresser la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Collen Vixen KELAPILE, président de l’ECOSOC : Le message d’espoir du président en cette période post-pandémie incite les pays à travailler ensemble, de manière solidaire pour tirer profit de cette crise et reconstruire de manière durable. Agrandir la figure 1897
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Antonio GUTERRES, secrétaire général des Nations Unies : “Le monde est en danger, tout comme les objectifs de développement durable”. Les guerres, notamment l’invasion russe en Ukraine, l’insécurité alimentaire, le déplacement des populations, l'effondrement de la biodiversité, sont autant de menaces à la réalisation des ODD. Les solutions à mettre urgemment en œuvre sont de quatre ordres : la réponse sanitaire, la gestion des crises financières et alimentaires, l’investissement dans l’individu et une action climatique ambitieuse. Agrandir la figure 1898
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Abdulla SHAHID, président de l’Assemblée générale des Nations unies : Réformes et investissements sont nécessaires pour améliorer la protection sociale, réduire la pauvreté, accélérer l’innovation, remédier à l’endettement… Le soutien aux pays vulnérables est primordial, notamment en Afrique.
Mokgweetsi MASISI, président du Botswana : Un appel aux Etats membres de l’ONU est lancé pour l’adoption d’un plan mondial de vaccination. Les systèmes de santé doivent se réformer, avec un meilleur accès à la vaccination et une production locale. Les pays en développement souffrent des conséquences de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, notamment en raison de la hausse des prix alimentaires et de l’énergie. Les partenariats sont la clé pour limiter les obstacles à la réalisation des ODD, notamment pour lutter contre le changement climatique qui frappe durement l’Afrique.

Marcelo REBELO DE SOUSA, président du Portugal Agrandir la figure 1899
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Marcelo REBELO DE SOUSA, président du Portugal, co-président de la conférence pour les océans de Lisbonne : “Le spectre de la guerre en Europe revient hanter nos esprits”. Dans ce contexte, la conférence pour les océans qui s’est tenue à Lisbonne en juin 2022 est un signe de paix et une preuve de l’importance de la coopération dans ce monde interdépendant. Les objectifs stratégiques de cette conférence ont permis des avancées sur plusieurs sujets tels que la pollution marine, la reconstitution des stocks halieutiques et la baisse des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime.

Huang RUNQIU, président de la COP 15, ministre de l’écologie et de l’environnement de la Chine : La Chine vise une neutralité carbone en 2060, par le biais notamment du développement des énergies propres. La diversité biologique est la base de la survie de l’espèce humaine, la détermination de la Chine en ce sens est intacte notamment dans le cadre de la COP 15 et de la déclaration de Kunming. Il en appelle à la communauté internationale pour construire, lors de la deuxième partie de la COP 15 au Canada, un cadre équilibré, pragmatique pour la préservation des écosystèmes.

Alok SHARMA, président de la COP 26 : Après une condamnation de l’invasion “illégale et non provoquée” de l’Ukraine par la Russie, le président de la COP a rappelé l’urgence climatique et la nécessité d’investir davantage dans la croissance verte et d’accélérer les mesures en faveur du climat, malgré et au-delà des engagements pris à Glasgow l’an dernier. Cette pandémie nous donne l’opportunité de mieux reconstruire.

Sima SAMI BAHOUS, directrice de UN Women : La réalisation de l’objectif de développement durable relatif aux femmes et aux égalités de genre n’est pas satisfaisante. Les crises (guerres, pandémie, etc.) renforcent les inégalités entre les sexes alors que la violence contre les femmes et les filles est déjà présente dans tous les pays. L’ODD 5 est la pierre angulaire de tous les ODD et nécessite un multilatéralisme renouvelé. La présence des femmes dans les prises de décision est un gage d’efficacité, il faut renforcer leur leadership et leur rôle dans la société.

Chorale de jeunes Agrandir la figure 1900
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Représentants de la jeunesse : Les jeunes étaient en première ligne pendant la pandémie de Covid-19 et ont mis en danger leur vie pour que la société ne s’effondre pas. Alors qu’une grande partie de la population est jeune, cette tranche d’âge est exclue des positions d’encadrement et des processus de décisions. Elle fait l’objet d’une oppression croissante et d’une réduction de sa présence dans l’espace public. Il est demandé d’améliorer la participation des jeunes, de les protéger davantage et de leur donner les moyens de cette contribution au débat public.


Session : Présentation des Revues Nationales Volontaires de la Somalie, du Salvador, de São Tomé et Príncipe et de la République Dominicaine

Compte-rendu :

Un nouveau panel de pays a présenté leurs Revues Nationales Volontaires lors de cette session. On note que l’ensemble des pays présents sont et seront particulièrement touchés par les crises écologiques, alors qu’ils ne contribuent pas de manière significative à ces dernières. Les différentes présentations ont également mis en évidence que les populations marginalisées seront davantage touchées par ces phénomènes :

  • Pour le Salvador, Félix Ulloa, Vice-Président du Salvador, a présenté la revue nationale basée sur une méthodologie participative et une concertation de la société civile, des différentes institutions, du secteur privé et de la communauté scientifique. La paix sociale grâce à la sécurité est une priorité forte du gouvernement le nombre d’homicides serait passé de 103 à 18 pour 100.000 habitants grâce à la mise en place d’un plan de contrôle territorial. Ce plan a été particulièrement développé au sein des communautés les plus défavorisées, et combiné avec un plan pour la petite enfance (construction d’écoles, initiative ‘’1 enfant 1 ordinateur’’) pour attaquer à la racine le problème de la violence. L’inclusion du ministère des finances dans l’ensemble des processus pour assurer un financement stable et pérenne est consolidé par la mise en place d’une plateforme numérique pour contrôler le suivi des indicateurs. Cette plateforme a été créée par le Secrétariat de l’Innovation, avec une collaboration entre le gouvernement et les autorités locales. Elle permet également des examens et des présentations régulières des résultats.
  • Pour São Tomé et Príncipe, Edite Tenjua, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Communautés, a mis en lumière la mise en place d’un cadre juridique pour le développement durable, avec notamment des dispositions constitutionnelles ratifiées par les Nations Unies. Un travail de sensibilisation et de communication relatif aux ODD dans le pays et au travers d’événements internationaux a conjointement été mené. La mise en œuvre de politiques efficaces nécessite des statistiques fiables et le pays a donc renforcé ses capacités pour ventiler et produire des données avec la création à venir d’une plateforme numérique. Les groupes vulnérables comme les femmes ou les personnes situées en zones rurales ont particulièrement bénéficié d’avancées en termes de lutte contre la pauvreté, de scolarisation, de mortalité infantile et d’accès à l’électricité et à l’eau potable. Cependant, la baisse de la croissance économique rend difficile l’adaptation nécessaire aux effets du changement climatique. ‘’Nous payons la facture d’une situation que nous n’avons pas créée [...] le changement climatique est devenu une réalité pour nous, avant nous en parlions, maintenant nous le vivons’’.
  • Pour la Somalie, Sharmarke Farah, Directeur Général du Bureau National des Statistiques, a évoqué les réformes économiques structurelles et institutionnelles soutenues par le FMI ayant contribué à rétablir la croissance économique. Le développement de l’outil de numérique ‘’Goal tracker Somalia’’ a permis de sensibiliser et d’augmenter la participation du public sur les ODD. Ce système de suivi des indicateurs sous forme de plateforme transparente et interactive contient aujourd’hui des données pour plus de 50% des indicateurs. La Stratégie Nationale de Développement de la Somalie comporte aujourd’hui 80 indicateurs provenant des ODD. Avec un taux d’urbanisation élevé, le ministère du logement a mis en place un plan de résilience pour le secteur avec l’appui de la Banque Mondiale. Cependant, l’inflation et le chômage rendent difficile l’atteinte de la sécurité alimentaire avec 80% de la population ayant connu une insécurité alimentaire légère ou grave, en particulier liée à la sécheresse et aux prix de l’énergie. Cela se traduit malheureusement par des violences chez les groupes marginalisés. La Somalie est donc fortement impactée par les effets du changement climatique alors qu’elle contribue seulement, fait-il valoir, à hauteur de 0,0003% de ce dernier.
  • La République Dominicaine, dévastée en 2017 par l’ouragan Maria avec des pertes s’élevant à 226 % du PIB, a mis en place un plan de résilience du logement avec la construction de 5000 nouveaux logements. L’objectif est également d’adapter ces structures aux évènements climatiques extrêmes. Ce plan comprend la création d’un système de production d’électricité alternatif ayant permis à 100% de la population d’avoir accès à l’électricité. Dans le cadre de l’ODD 7, la République Dominicaine espère obtenir 100% de l’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030. L’agriculture étant un facteur clé de l’économie, son adaptation au changement climatique est une priorité de même que le développement de la ‘’Blue Economy’’. Le gouvernement regrette cependant un espace fiscal limité avec un système financier international hostile car toujours orienté par la mesure du PIB par habitant. Les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce sont considérées comme des entraves au développement durable du pays. Les autorités appellent ainsi un traitement différencié notamment pour les produits agricoles. ‘’Le moment est venu de transformer les discours en actes concrets, et nous avons besoin de vous pour l’accès à des ressources financières comme des outils de financement mixtes et obligations vertes et bleues.’’ On souligne enfin la création d’une Commission Nationale des personnes en situation de handicap et le lancement d’un fonds en 2021 pour autonomiser la population autochtone et l’intégrer pleinement aux différentes initiatives.

Session : Présentation des Revues Nationales Volontaires de Djibouti, Surinam, Guinée équatoriale, Tuvalu

Compte-rendu :

Ce deuxième panel de revues nationales volontaires pour cette journée a mis également en lumière la vulnérabilité des pays en développement aux effets du changement climatique. Les crises successives affaiblissent des pays déjà en proie à des fragilités institutionnelles et en nécessité de réformes structurelles de leur système éducatif et sanitaire.

  • Mahamoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de Djibouti : Pour la première revue nationale volontaire du pays, Djibouti souhaite intégrer pleinement les ODD dans les plans stratégiques nationaux. En 2021, un ministère chargé de l’Environnement et du Développement durable a ainsi été créé. En matière de préservation de la vie aquatique, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre pour protéger la faune et la flore avec notamment l’élargissement des surfaces des aires marines protégées et le nettoyage des mangroves. Par ailleurs, la Grande muraille verte (GMV) a été lancée pour lutter contre la désertification. Des progrès restent à faire en matière éducative mais le taux de scolarisation a augmenté significativement tant au niveau primaire que secondaire. Djibouti développe également depuis 2006 des stratégies contre les violences génitales féminines au travers de la législation et de campagnes de sensibilisation. Le ministre reconnaît néanmoins une difficulté à diffuser largement l’Agenda 2030 et les ODD, particulièrement dans les territoires intérieurs.
  • Albert R RAMDIN, ministre des relations extérieures et de la coopération internationale du SURINAM : La quasi-totalité du territoire national est couverte par des forêts, ce qui permet au pays d’afficher une émission nette de carbone négative. La pression est importante sur ces espaces en raison notamment de l’exploitation minière et forestière, mais les moyens financiers et humains actuels et le manque de législation ne permettent pas de faire face efficacement à ces problèmes. L’endettement du Surinam est problématique (60% du PIB) et la pandémie a aggravé la récession ; un plan de relèvement est prévu, soutenu par le FMI. Le Surinam prévoit d’exploiter du gaz et du pétrole off-shore et d’en maximiser les bénéfices économiques dans le respect de l’environnement, une initiative saluée par le Maroc. Le Surinam s’est félicité de l’inclusion des populations autochtones dans le processus de consultation ; une intégration des groupes discriminés pourtant jugée insuffisante par le groupe représentant les personnes LGBT.
  • Ricardo Nsue OBONO, directeur général de l’institut national de statistiques de Guinée équatoriale : Cette première VNR a été l’occasion pour le pays d’identifier ses défis structurels, mais une nouvelle enquête réalisée auprès des foyers permettra par ailleurs d’améliorer ces données. La principale cause de mortalité dans le pays est le paludisme : des efforts conséquents, au travers d’un programme national, ont permis des progrès mais des réformes structurelles du système sanitaire sont nécessaires. La Guinée équatoriale s’est fixée comme objectif d’éradiquer la pauvreté, d’améliorer la sécurité alimentaire et l’intégration des femmes dans la société. La diversification de l’économie est un défi majeur pour sortir de la dépendance à l’exportation de pétrole brut. La Guinée équatoriale a insisté sur l’intégration de toutes les ethnies à la communauté nationale, en réponse à l’intervention de la représentante des ONG qui mettait en doute la prise en compte de certaines communautés autochtones et soulignait leur isolement.
  • Représentant du Premier ministre du Tuvalu : Deuxième plus petit pays du Pacifique, Tuvalu est confronté brutalement aux effets du changement climatique. L’accélération des épisodes climatiques violents (tempêtes, vagues submersives) remettent en cause les efforts de développement du pays en matière éducative, agricole, sanitaire, etc. Tuvalu a mis en place sa stratégie nationale de réalisation des ODD adaptée au contexte local : “Te Kete”. Le pays nécessite d’investir dans l’adaptation au changement climatique et dans la réponse aux crises, tout en considérant dès à présent la création de terre-pleins pour accueillir les infrastructures menacées.

Rencontre entre Thomas Lesueur le Commissaire general au développement durable et la délégation italienne Agrandir la figure 1901
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