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Jour 1 au FPHN
Le FPHN lance la décennie de l’action pour « mieux reconstruire » après la crise du COVID-19
Le Forum politique de haut niveau 2020 (FPHN) sur le développement durable s’est ouvert mardi 7 juillet pour 10 jours.
Un contexte et un format inédit
Le FPHN 2020 consacre le lancement de la décennie de l’action pour le développement durable, décidée par les Chefs d’Etat et de gouvernements au sommet ODD de septembre 2019, et s’inscrit dans le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale provoquée par la pandémie de COVID-19. Les sessions thématiques sont placées sous le thème de « mieux reconstruire après le COVID » (« building back better after COVID ») proposé par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Voulu à sa conception comme un Forum de dialogue, foisonnement de rencontres et d’échanges, il doit cette année relever le défi d’un déroulement entièrement dématérialisé : les délégations des Etats sont réduites à 10 personnes et seuls deux délégués nationaux à la fois peuvent se connecter à la plateforme internet. Dans ce contexte, la position de la société civile au FPHN, contestée parfois par certains Etats, constitue un enjeu majeur. Porté par la Finlande, un engagement (« pledge ») de soutenir sa position a été signé par une soixantaine d’Etats, dont la France.
Le format dématérialisé présente toutefois l’avantage de se libérer des contraintes habituelles de salles disponibles et permet la tenue pendant ces 10 jours du nombre record de 250 d’événements parallèles organisés par les Etats ou organisation sur les thématiques liées aux ODD.
Les sessions officielles du Forum peuvent quant à elle être suivies en direct par tout un chacun, comme chaque année, sur la chaîne internet de l’ONU.
Les impacts de la crise frappent les plus vulnérables
Des interventions de la première journée, lors de la session d’ouverture ou des sessions consacrées au bien-être et à la faim et à la pauvreté, on peut retenir le constat partagé que la crise provoquée par la pandémie de COVID-19 affecte tous les pays, et tout particulièrement les plus vulnérables ou ceux à moyens revenus dont l’activité économique repose essentiellement sur le tourisme : pour de nombreux ODD, de nets reculs devraient être enregistrés au niveau mondial cette année, qui pourraient bien effacer les relatifs progrès des années précédentes, notamment en ce concerne la grande pauvreté, la faim et les inégalités, reculs s’ajoutant aux tendances préoccupantes de la hausse de émissions de gaz à effet de serre et de la perte de biodiversité. La banque mondiale estime ainsi que plus 100 millions de personnes pourraient tomber dans la grande pauvreté en 2020 (dont 20 millions en Afrique). Les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés.
L’agenda 2030 comme solution à la crise
Les intervenants de cette première journée ont largement convergé sur l’idée que la pandémie révélait essentiellement des faiblesses structurelles déjà existantes et que les critères de la réponse à la crise correspondaient précisément aux principes de l’Agenda 2030 : « mieux reconstruire » en développant une approche systémique basée sur la cohérence des politiques et des actions, et non en travaillant en silos, associer à la reconstruction les échelons locaux, les organisations de la société civile ainsi que les populations, développer des institutions en lesquelles les citoyens aient confiance, renforcer les services publics, assurer le droit de tous de se nourrir.
La situation actuelle est dominée par l’incertitude sur le devenir de la pandémie, ses effets sur l’économie, le commerce, les investissements, la coopération internationale, etc. Ce qui va arriver dans les 18 prochains mois sera décisif pour l’ensemble de la décennie. De nombreux intervenants ont ainsi relevé « l’urgence » de la mobilisation pour les ODD.
Jour 2 au FPHN
Les sessions de la deuxième journée du segment technique du FPHN 2020 sont restée placées sous le thème de « mieux reconstruire après le COVID et agir là où nous aurons le plus grand impact sur les ODD »
Les sessions de la deuxième journée du segment technique du FPHN 2020 sont restée placées sous le thème de « mieux reconstruire après le COVID et agir là où nous aurons le plus grand impact sur les ODD »
Lors de la session « protéger la planète et construire la résilience », plus spécifiquement liée aux ODD 12, 13, 14, 15 et 17, les panélistes ont souligné que les capacités de la nature à nous aider à relever les principaux défis et risques auxquels nous sommes confrontés (ex : pandémies, sécurité alimentaire, etc.)
Pour la plupart des panélistes, la gestion de ces risques nécessite de repenser notre relation à la nature mais aussi notre approche de la gestion des ressources naturelles.
Outre le rappel du caractère essentiel d’une plus grande coopération régionale, nationale et internationale, l’importance du rôle du secteur privé pour protéger la planète mais aussi de celui de la science, de l’innovation et de la technologie ainsi que de l’économie circulaire ont été mis en avant dans la discussion.
Les grands rendez-vous à venir en 2021 ont par ailleurs été rappelés, notamment la COP15 sur la diversité biologique, la Conférence de Stockholm+50 et la 16ème édition du Forum des Nations Unies sur les Forêts à New York.
Parmi les interventions, on pourra notamment retenir celle de Mme. Sandra Diaz, de l’IPBES qui a formulé 3 recommandations : (i) mettre en œuvre des plans de relance qui ne compromettent ni la santé des personnes ni la nature (« do no harm) » , (ii) modifier les investissements et subventions de façon à ce qu’ils soient durables et découragent toute atteinte à la santé et à la nature et (iii) intégrer la protection de la nature et la santé dans tous les secteurs de l’économie, et pas seulement dans les questions environnementales (ex : alimentation, infrastructures…)
Lors de la session « soutenir les efforts pour l’accès à une énergie durable », plus spécifiquement liée aux ODD 7, 12, 13 et 17, les panélistes ont rappelé que nous ne sommes pas en voie d’atteindre l’ODD7 d’ici 2030 et que les efforts doivent être renforcés et accélérés.
Alors que l’attention des Gouvernements du monde entier porte (légitimement) sur les impacts de la pandémie de coronavirus, il ne faut pas perdre de vue le besoin d’une transition énergétique.
Les panélistes ont appelé à changer notre approche de l’accès à l’énergie. Ils ont aussi évoqué l’importance de se concentrer sur l’accès à l’électricité pour tous mais aussi sur l’accès à des solutions de cuisine propre pour tous. Garantir l’accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous d’ici 2030 ouvrira un nouveau champ d’opportunités à des milliards de personnes (opportunités économiques importantes grâce aux nombres créations d’emploi potentielles, autonomisation des femmes, meilleure éducation, meilleure santé, , etc.).
La réalisation de l’ODD7 contribuera ainsi à la réussite des autres ODD.
Jour 3 au FPHN
La session « renforcer l’action locale pour contrôler la pandémie et accélérer la mise en œuvre », plus spécifiquement liée aux ODD 9, 11 et 17, abordait la question cruciale de la mise en œuvre à l’échelle des territoires.
Comme cela était relevé par le représentant du « groupe des gouvernements locaux », il reste encore quelques pays à ne pas avoir associés les échelons territoriaux à l’élaboration des revues nationales volontaires qui seront présentées pendant ce FPHN (5 pays sur 47).
Pourtant, comme Mme Christiane Brunet, vice-présidente du Conseil général de la Savoie et membre de la délégation française au FPHN, l’a expliqué, l’action locale est celle qui est à même « d’humaniser » les politiques publiques et de répondre aux aspirations concrètes des populations.
La pandémie de COVID-19 ajoute bien sûr des défis inédits aux villes et aux collectivités, notamment la pression sur leurs systèmes de santé, d’éducation et de sécurité, et, comme l’ont souligné la plupart des panélistes, ses conséquences socio-économiques affectent de manière disproportionnée les groupes les plus vulnérables de la société, dont les femmes, les jeunes, les migrants et les travailleurs du secteur informel.
La secrétaire générale de la Commission économique européenne de l’ONU, Ms. Olga Algayerova, a en outre appelé à ce que les mesures de restrictions des libertés prises dans le cadre des confinements ne restreignent pas la capacité des populations à participer à la définition des politiques locales.
Le gouverneur de la préfecture japonaise de Kanagawa a prononcé un vibrant plaidoyer pour la mise en œuvre des ODD centrée sur le concept de « l’Inochi », concept englobant « la puissance naturelle de la vie en harmonie avec la nature », et pour la coopération internationale entre collectivités.
Le numérique a été évoqué à de nombreuses reprises, avec l’objectif de créer des « villes intelligentes » ou pour son utilisation dans les applications de traçage du COVID-19.
L’architecte et chercheur équatorien Santiago del Hierro a plaidé à cet égard pour que l’attention et l’application du numérique soient davantage portées vers l’amélioration des services publics de base (accès à l’eau, énergie, éducation, etc.), lesquels représentaient les leviers essentiels de transformation et de réponse à la pandémie, plutôt que vers une course aux derniers outils technologiques.
La ville de New York, enfin, première ville au monde à avoir réalisé une Revue locale Volontaire de sa mise en œuvre des ODD à l’image des Revues nationales des Etats, a invité toutes les collectivités locales à rejoindre sa « déclaration des revues locales volontaires » , signée aujourd’hui par 22 grandes métropoles mondiales.
Jour 4 au FPHN
La quatrième journée du Forum politique de haut niveau clôturait les sessions thématiques avec le sujet des moyens de mise en œuvre, dont la finance, et lançait la présentation des premières revues nationales volontaires.
La session sur la finance s’inscrivait naturellement dans le contexte de crise liée au covid-19 qui a placé de nombreux pays dans une situation financière très difficile. Pour faire face à la crise économique, sociale et environnementale, des actions urgentes sont nécessaires afin de mobiliser des financements.
Le principal message de cette session est que la mobilisation de nouveaux financements pour le développement est cruciale mais elle n’est pas suffisant : il faut que ces financements soient correctement alloués, notamment afin de ne laisser personne de côté.
Dans ce cadre, plusieurs recommandations ont été formulées : diriger les financements vers les pays qui en ont le plus besoin, mobiliser le secteur privé et développer davantage de partenariats entre le secteur public et le secteur privé, prendre en compte la question de l’égalité des genres dans la mobilisation des financements, adopter une approche centrée sur les facteurs de vulnérabilité des pays (ex : changement climatique, réponse aux pandémies, etc.).
Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de rendre nos économies plus vertes, plus durables et plus résilientes et d’aligner les financements publics et privés avec les ODD et l’Accord de Paris.
Le Vice-président de la Banque Européenne d’Investissement a d’ailleurs fait part de son ambition de faire de la Banque Européenne d’Investissement une « banque climat » en renforçant les investissements verts.
La représentante du Groupe du financement du développement de la société civile a appelé les Nations Unies à travailler de façon approfondie sur des politiques d’allègement de la dette et des mesures d’annulation de la dette des pays en développement, sans pénalité ni intérêt.
Plusieurs délégations, dont la délégation française, ont cité l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) décidée dans le cadre du G20
La session de l’après-midi ouvrait le bal des revues nationales volontaires (RNV) des pays sur leur mise en œuvre de l’Agenda 2030. Les RNV constituent le cœur du Forum politique de haut niveau. Comme l’a souligné l’ambassadeur mexicain M. Juan Sandoval, vice-président de l’ECOSOC intervenant en sa capacité de Président du Groupe des amis des RNV, l’apprentissage entre pairs, non seulement à partir des progrès effectués mais aussi des défis rencontrés, est un élément essentiel du suivi et de la réalisation de l’Agenda 2030.
Afin de maintenir l’élan et de mettre en lumière des actions inspirantes en faveur de la réalisation des ODD, la Vice-Secrétaire Générale des Nations Unies, Amina Mohammed a annoncé la tenue d’un « SDG Moment » au mois de septembre
Le nombre de revues présentées est devenu si important au fil des années que, depuis 2019, elles empiètent sur la fin du segment technique (pour les pays ayant déjà présenté dans le passé notamment). Cinq pays ouvrait ainsi le bal des RNV 2020 : l’Arménie, l’Equateur, le Honduras, le Kenya et Samoa.
Outre des reculs pour de nombreux ODD enregistrés du fait de la crise du covid-19 et du changement climatique, on pourra retenir les points marquants suivants :
L’Arménie a mis en place une nouvelle stratégie de développement durable à l’échéance 2050 et souhaite éradiquer la pauvreté d’ici 2023. L’Arménie concentre ses efforts sur l’industrie et l’innovation de haute technologie. L’Arménie a mis en avant un projet avec la FAO sur l’agriculture digitale. Les questions posées à l’Arménie après sa présentation (par la Russie et l’Egypte notamment) portaient sur le développement technologique.
Samoa a souligné son investissement dans les services essentiels à la population : accès à l’eau potable et à l’assainissement, services de santé (Samoa a fait face à plusieurs épidémies en 2019 et 2020), accès à l’éducation, infrastructures inclusives, énergies renouvelables, etc. Samoa prête une attention particulière aux femmes, aux enfants et jeunes, et aux personnes en situation de handicap. Bien que des progrès significatifs aient été accomplis, de nombreux défis demeurent : économiques (du covid-19 sur l’activité touristique) mais aussi environnementaux (climat et perte de biodiversité). La présentation faite par Samoa a entrainé plusieurs questions (de la Nouvelle Zélande, l’Irlande, ou encore du représentant des peuples autochtones de Samoa).
Les présentations des revues nationales volontaires de l’Equateur et d’Honduras étaient plus longues et plus générales, la présentation de l’Equateur se concentrant surtout sur les conséquences économiques de la crise. Le Pérou, l’Inde et l’Estonie ont posé des questions sur ces présentations.
La Slovénie a particulièrement mis en avant la jeunesse dans la présentation de sa revue nationale volontaire. Elle a aussi insisté sur les questions de biodiversité.
Jour 5 au FPHN
Beaucoup de Revues développaient les impacts de la crise du COVID-19 (Népal et Pérou notamment), y compris sur le processus d’élaboration participative de leur RNV, pendant que l’Inde, l’Argentine et le Bénin y accordaient peu de place.
Cette première session de la journée réunissait des pays ayant tous été concernés au premier chef par les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui ont structuré l’aide au développement de 2000 à 2015 et ont, alors, conditionné des stratégies de croissance et de réduction de la pauvreté placées au cœur des politiques publiques.
Pour ces pays, familiers de la grammaire multilatérale, les ODD sont devenus le nouveau référentiel d’action et de réforme souvent placé sous la conduite effective du plus haut niveau de leurs exécutifs gouvernementaux.
Le Népal
Le Népal se présentait ainsi comme bon élève de la mise en œuvre de l’Agenda 2020, pilotée sous l’autorité du Premier ministre et travaillant en association avec les autorités locales, le secteur privé et les organisations de la société civile. Avec 7,3 % de croissance économique et un coefficient de Gini descendu à 0,3, le Népal peut se targuer d’être devenu un pays à revenu intermédiaire.
Le Covid a ici comme ailleurs affecté les transports, le tourisme, et les flux financiers. La réponse passe par une approche intégrée portant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables.